La fin de règne de Donald Trump, pathétique et chaotique, a viré mercredi à l’insurrection violente en plein cœur de la capitale américaine, Washington D.C. Forçant des barrières puis des cordons de policiers visiblement insuffisants, plusieurs centaines de partisans du président ont envahi le Capitole en début d’après-midi, mercredi, interrompant le processus de certification de la victoire de Joe Biden que les élus du Congrès venaient d’entamer. Une victoire que Trump et ses partisans refusent catégoriquement de reconnaître, deux mois après le scrutin de novembre. Ce n’est que plusieurs heures plus tard, quelques minutes après le début d’un couvre-feu à 18 heures (minuit à Paris) imposé par la maire de Washington, que le bâtiment du Congrès a finalement été «sécurisé» par les forces de l’ordre.
Après plus de six heures d’interruption, les élus des deux chambres ont repris mercredi soir (jeudi matin en France) leur séance de certification du vote des grands électeurs, pour entériner la victoire de Joe Biden à la présidentielle. Dans la soirée, plusieurs médias américains faisaient état de rumeurs de démissions au sein de l’administration Trump, en réaction aux événements du jour. Des membres du gouvernement auraient également discuté de la possibilité d’écarter Donald Trump du pouvoir, en utilisant le 25e amendement de la Constitution américaine, qui autorise le vice-président et une majorité du cabinet à déclarer le président «inapte» à exercer ses fonctions.
«Nous ne céderons jamais»
Plus tôt dans la journée, Donald Trump avait tenu un discours offensif à ses militants, réunis par milliers près de la Maison Blanche pour une manifestation de contestation des résultats de l’élection de novembre. «Nous ne céderons jamais», avait-il dit, avant de les enjoindre à «être forts» et à faire entendre leur mécontentement au Capitole, situé à 2 kilomètres vers l’est. Peu après, des manifestants avaient pénétré de force dans les deux chambres du Congrès, certains se prenant en photo au pupitre de l’assemblée ou dans les bureaux de certains élus, pillant des objets… Des images hallucinantes dans le temple législatif de la première puissance mondiale. Du gaz lacrymogène a été utilisé dans la rotonde du Capitole, et une femme blessée par balle est morte. Les médias américains rapportaient dans la soirée qu’il s’agissait d’une fervente partisane du président Donald Trump, ancienne combattante de l’armée de l’air, qui vivait dans le sud de la Californie. CNN rapporte également «de nombreux blessés» parmi les policiers, dont un au moins a été transporté à l’hôpital.
Face à cette incursion violente, qualifiée de tentative de coup d’Etat par de nombreux démocrates, l’élu du Wisconsin Mark Pocan parlant même de «terrorisme intérieur», la totalité de la Garde nationale de Washington D.C. a été mobilisée pour épauler les forces de l’ordre locales.
«C’est une insurrection»
Peu après 16 heures (22 heures à Paris), le président élu, Joe Biden, avait pris la parole depuis son fief du Delaware, rappelant Donald Trump à son devoir présidentiel. «Notre démocratie vit une agression sans précédent», a-t-il martelé, en exhortant son ancien rival à calmer ses partisans et à les inciter à rentrer chez eux. «Je demande au président Trump de s’exprimer à la télévision nationale, de remplir son serment de défendre la Constitution et d’exiger la fin de ce siège», a dit l’ancien vice-président de Barack Obama dans un discours bref, grave, et teinté d’émotion.
Le président élu Joe Biden, mercredi.
«Actions répugnantes»
Les condamnations sont également venues du camp républicain. Sur Twitter, le sénateur de Caroline du Sud Lindsey Graham, grand soutien de Donald Trump, a réclamé des poursuites judiciaires contre les émeutiers. «Ceux qui ont mené cette attaque contre notre gouvernement doivent être identifiés et poursuivis dans le plein respect de la loi. Leurs actions sont répugnantes dans une démocratie», a-t-il martelé. L’ancien président George W. Bush a quant à lui condamné l’«insurrection» au Capitole, digne d’une «république bananière».
Camp républicain fracturé
Au sein du Congrès, le processus de certification des grands électeurs, entamé en début d’après-midi, avait rapidement été interrompu, avant même l’irruption des manifestants, par une objection aux résultats de l’Arizona soulevée par des élus et le sénateur républicain Ted Cruz. Dès les premières minutes de débat, les fractures au sein du camp républicain étaient apparues au grand jour. «Si cette élection était invalidée sur la base de simples allégations des perdants, notre démocratie entrerait dans une spirale mortelle», avait notamment averti le chef des sénateurs républicains Mitch McConnell, pourtant plus puissant allié de Trump au Congrès.
Ces incidents violents dans la capitale fédérale sont intervenus au lendemain de deux élections sénatoriales en Géorgie, remportées par les démocrates qui prennent ainsi le contrôle du Sénat. Le révérend afro-américain Raphael Warnock a battu la sénatrice républicaine Kelly Loeffler, devenant le premier sénateur noir dans l’histoire de cet Etat conservateur du sud du pays. Dans l’autre duel, Jon Ossoff, 33 ans, a battu le sénateur sortant David Perdue, devenant le plus jeune sénateur élu depuis Joe Biden en 1973. Cette double défaite constitue un camouflet terrible pour le Grand Old Party qui, après avoir perdu la Chambre des représentants en 2018 et la Maison Blanche début novembre, voit la puissante chambre haute du Congrès lui échapper.
Trump annonce une «transition»
Suspendu temporairement par Twitter et Facebook, c’est via un court communiqué que Donald Trump a, pour la première fois, admis que sa présidence touchait à sa fin, tout en continuant à prétendre que le scrutin du 3 novembre lui a été volé. «Même si je suis en total désaccord avec le résultat de l’élection, et que les faits me donnent raison, il y aura cependant une transition ordonnée le 20 janvier», écrit le président sortant. «J’ai toujours dit que nous continuerions notre combat pour garantir que seuls les votes légaux soient comptés. Même si cela représente la fin de l’un des meilleurs premiers mandats présidentiels et ce n’est que le début de notre combat pour rendre sa grandeur à l’Amérique», a-t-il conclu.