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Procès des attentats de Janvier 2015

Attentats de janvier 2015 : au terme d’un procès historique, des peines allant de quatre ans de prison à la perpétuité

 Considéré comme la « pièce maîtresse » de la préparation des attentats, Ali Riza Polat a été condamné à trente ans de réclusion criminelle pour « complicité » dans les « crimes terroristes » commis par les frères Kouachi et Amedy Coulibaly.  

Le Monde, Publié le 16 décembre 2020 à 19h02 -Temps de Lecture 6 min. 

Le procès demeurera historique. Près de six ans après l’onde de choc provoquée par les attentats de janvier 2015, la cour d’assises spéciale de Paris a prononcé des peines allant de quatre ans de prison à la perpétuité contre quatorze personnes reconnues coupables d’avoir assisté les auteurs des attaques contre Charlie Hebdo, une policière de Montrouge et l’Hyper Cacher.

Ces peines sont globalement inférieures aux réquisitions du Parquet national antiterroriste, qui avait réclamé la perpétuité pour deux accusés et de cinq à trente ans de prison pour les douze autres, estimant qu’ils avaient servi de « cheville ouvrière » aux attaques djihadistes.

Relire le direct : Attentats de janvier 2015 : Ali Riza Polat condamné à 30 ans de réclusion criminelle pour complicité dans les attentats commis par Amedy Coulibaly

  • Des peines de quatre ans à la perpétuité

La peine la plus lourde, soit la perpétuité, a été prononcée contre Mohamed Belhoucine, présumé mort en Syrie et jugé par défaut. Le mentor présumé du tueur de l’Hyper Cacher Amedy Coulibaly a été reconnu coupable de « complicité » de crimes terroristes.

Hayat Boumeddiene, ex-compagne d’Amedy Coulibaly, introuvable depuis sa fuite en Syrie quelques jours avant les attentats, a été condamnée pour sa part à trente ans de réclusion assortie d’une période de sûreté des deux tiers.

 Une peine identique a été prononcée à l’encontre d’Ali Riza Polat, présenté comme le « bras droit » du tueur de l’Hyper Cacher. Ce Franco-turc de 35 ans, coupable de « complicité »« a eu un rôle essentiel » dans la préparation des attentats, a estimé la cour. Son avocate Isabelle Coutant-Peyre a tout de suite après l’énoncé du délibéré annoncé son intention de faire appel.

 Trois autres accusés, tous proches d’Amedy Coulibaly, ont été reconnus coupables d’association de malfaiteurs terroriste, la cour ayant estimé qu’ils ne pouvaient ignorer la nature du projet du tueur de l’Hyper Cacher, dont ils connaissaient les convictions.

Parmi eux, Amar Ramdani a écopé de la peine la plus lourde : vingt ans de réclusion, assortie d’une période de sûreté des deux tiers. Nezar Mickaël Pastor Alwatik, ex-codétenu d’Amedy Coulibaly, a été condamné à dix-huit ans de réclusion, et Willy Prévost à treize ans de réclusion.

Les cinq magistrats professionnels ont en revanche abandonné la qualification terroriste pour six accusés, qui ne connaissaient que peu Amedy Coulibaly et pour lesquels « aucune conviction ou idéologie religieuse de type radicale » n’a été établie.

Des peines allant de cinq à dix ans de prison ont ainsi été prononcées contre quatre accusés impliqués dans le volet « belgo-ardennais », reconnu coupables d’un simple délit « d’association de malfaiteurs » Metin Karasular, Michel Catino, Abdelaziz Abbad et Miguel Martinez.

Dans le volet « lillois », huit ans de prison ont été prononcés contre Saïd Makhlouf et Mohamed Farès, reconnus coupables des mêmes faits. Le seul accusé qui comparaissait libre, Christophe Raumel, a été condamné à quatre ans de prison.

La cour d’assises spéciale a enfin constaté l’extinction de l’action publique à l’encontre du quatorzième accusé, Mehdi Belhoucine, frère de Mohamed Belhoucine : le jeune homme, présumé mort et, lui aussi, jugé par défaut, avait déjà été condamné en janvier pour association de malfaiteurs terroriste dans le procès dit des « fantômes du djihad ».

Au cours de leurs plaidoiries, les avocats de la défense avaient exhorté la cour à ne pas chercher « coûte que coûte » des coupables pour pallier l’absence des frères Saïd et Chérif Kouachi et d’Amedy Coulibaly.

  • Des peines explicitées par la cour d’assise spéciale

Dans sa feuille de motivation du verdict, la cour d’assises spéciale souligne que :

« Les faits s’inscrivent plus particulièrement dans la logique d’un groupe ou d’une entente de personnes favorables au djihad armé, s’illustrant par l’accomplissement d’assassinats à l’encontre de ceux qu’ils considèrent comme “des ennemis de l’islam” ». 

« Le fait de cibler spécifiquement des victimes pour leur qualité, en tant que journalistes, dessinateurs-caricaturistes ou membres des forces de l’ordre, ou pour leur confession religieuse, mais aussi tous ceux qui ont pu entraver l’action des terroristes, démontre en soi la volonté de porter la terreur au cœur des sociétés occidentales. »

Elle souligne également que :

« Si peu d’éléments existent concernant les actes préparatoires aux actions commises par les frères Kouachi, les investigations et les débats ont permis d’établir qu’Amely Coulibaly s’était, quant à lui, appuyé sur un cercle restreint d’individus de confiance, opérant avec une grande discrétion pour lui fournir un soutien logistique ».

Enfin, la Cour estime que l’attentat de l’Hyper Cacher « revêt incontestablement un caractère antisémite ». Mais elle précise que « seul un motif procédural lié à l’application de la loi dans le temps a empêché de retenir la circonstance aggravante d’appartenance à une religion déterminée pour le crime de séquestration ». La loi qui aurait permis cette double circonstance aggravante a, en effet, été promulguée en janvier 2017, soit postérieurement à la mise en examen de la plupart des accusés.

  • « On va pouvoir tourner une page » : de nombreuses réactions

Ce verdict, rendu au terme de cinquante-quatre jours d’audiences aussi intenses que chaotiques, a été accueilli en silence par les nombreuses parties civiles qui s’étaient pressées dans la salle. Parmi celles-ci, des proches des victimes des attaques, l’ex-otage de l’Hyper Cacher Lassana Bathily, des survivants du massacre perpétré à Charlie Hebdo, son directeur de la rédaction, Riss, ainsi que Sigolène Vinson et Simon Fieschi.

Dans un éditorial publié mercredi, le responsable du journal satirique a estimé qu’une fois la décision de la justice rendue « le cycle de la violence (…) se sera enfin refermé, au moins sur le plan pénal, car, humainement, les répercussions ne s’effaceront jamais ».

« On va pouvoir tourner une page (…), la justice est faite », a réagi Lassana Bathily. « Ça clôt un chapitre de ma vie, a témoigné Michel Catalano, imprimeur et otage des frères Kouachi. Ce qui m’a le plus marqué, ce sont les témoignages des victimes, la première partie a été très difficile, mon audition a été difficile et a conduit à une dépression de ma femme… Je n’étais pas venu chercher des peines, mais des réponses à mes questions. »

Pour l’avocat de Charlie Hedbo, Richard Malka :

« C’est la fin de quelque chose aujourd’hui, ça a été douloureux, ça a été une étape d’un deuil, nécessaire et indispensable (…). Ce que dit cette décision, c’est que sans cette nébuleuse il n’y a pas d’attentat ; sans nébuleuse, il n’y a pas de terroristes. J’espère que ce message sera entendu. Il ne ressuscitera personne, mais peut-être que ça évitera à d’autres drames de se produire. »

« Pour la plupart des victimes (…), je crois que le sentiment qui s’érige, c’est celui d’avoir été entendu. Je crois que le sentiment qui sort de cette salle de cour d’assises, c’est celui de la justice enfin rendue, d’un verdict longuement expliqué », a également estimé Patrick Klugmann, avocat des victimes de l’Hyper Cacher.

« On a pris des gens innocents pour les offrir à la vindicte, cette cour aurait été courageuse d’acquitter, mais ce n’était pas satisfaisant pour les victimes. Les vrais coupables n’étaient pas dans le box ! », a, quant à elle, réagi Isabelle Coutant-Peyre.

Les condamnés, encadrés dans leurs box vitrés par de nombreux policiers, ont écouté le verdict sans manifester de réaction.

Durant les trois mois d’audience, marqués par les témoignages puissants des survivants et des proches des victimes, la cour a tenté de reconstituer le puzzle de l’enquête ayant conduit les accusés devant les assises, essentiellement en s’appuyant sur des relevés téléphoniques et quelques traces d’ADN. Mais les débats n’ont pas permis de lever toutes les zones d’ombre, du circuit des armes aux commanditaires.

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Portraits. Attentats de janvier 2015 : qui sont les onze accusés dans le box ?

Compte-rendu. Au procès des attentats de janvier 2015, le cheminement vers l’horreur

Le récit. Leur vie après « Charlie »

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